Proportion de la population ayant été infectée par SARS-CoV-2
Méthodologie
Tout au long de la pandémie, nous avons développé des méthodes pour estimer la proportion de la population ayant été infectée par SARS-CoV-2. Ce travail d’estimation est important car il permet d’apprécier la proportion de la population qui pourrait avoir acquis une immunité (au moins partielle et de court terme) contre SARS-CoV-2 suite à une infection naturelle. Ce travail d'estimation peut cependant être difficile à faire car les données de surveillance sur les cas, les hospitalisations et les décès ne captent qu’une petite proportion des infections. Comment estimer le nombre d’infections si un grand nombre d’entre elles ne sont pas détectées par la surveillance épidémiologique ? Pour cela, les enquêtes sérologiques sont un outil précieux. Ces enquêtes permettent de mesurer la séroprévalence, c’est-à-dire la proportion de la population ayant développé des anticorps anti-SARS-CoV-2, ce qui signale une infection passée. Cependant, les outils de sérologie n’étaient pas disponibles durant les premiers mois de la pandémie. Par ailleurs, les enquêtes sérologiques restent difficiles à mettre en œuvre de façon régulière si bien que les dernières estimations de séroprévalence ne sont pas forcément à jour. Enfin, le phénomène de décroissance des anticorps (une personne peut perdre ses anticorps avec le temps) fait que la séroprévalence risque à terme de sous-estimer la proportion de la population ayant été infectée. Au fur et à mesure que de nouvelles données devenaient disponibles, nous avons développé de nouvelles approches pour tenter de suivre la proportion d’infectés à partir de ces données :
Pendant le premier confinement, en l’absence de sérologie
Pendant le premier confinement, la capacité de tests était limitée et nous n’avions pas encore d’outils pour la sérologie. Seules les données sur les hospitalisations et les décès COVID-19 permettaient de suivre l’évolution de l’épidémie ; mais ces données ne décrivaient que les infections les plus sévères. Pour reconstruire l’évolution du nombre total d’infections en France, y compris les infections peu sévères, nous avons analysé les données d’hospitalisations françaises conjointement avec les résultats d’une enquête épidémiologique réalisée sur le navire de croisière Diamond Princess qui nous ont permis de caractériser le risque de décès chez les personnes infectées par SARS-CoV-2. Par ce travail d’intégration de données, publié dans la revue Science, nous avons produit l’une des premières estimations de la proportion de la population française infectée par SARS-CoV-2 à la sortie du premier confinement. Nous estimions à l’époque que cette proportion devait se situer aux environs de 5% au niveau national, avec des variations importantes entre région (de l’ordre de 10% en Ile de France et dans le Grand Est)
Lorsque des données sérologiques sont devenues disponibles à l’international
Faute de données sérologiques, nos premières estimations devaient s’appuyer sur des données épidémiologiques imparfaites comme celles de la croisière Diamond Princess. Dès que les résultats d’enquêtes sérologiques sont devenus disponibles à l’international, nous avons cherché à déterminer s’ils donnaient une image similaire à ce que nous avions trouvé. Nous avons donc collecté les données de mortalité par âge pour 42 pays représentant 3.2 milliards de personnes et pour lesquels nous avons identifié 22 enquêtes sérologiques nous permettant de calibrer nos modèles. En analysant le risque relatif de décès par COVID-19 en fonction de l’âge, nous nous sommes rendu compte que beaucoup de pays partageaient le même profil de mortalité par âge chez les personnes de moins de 65 ans. Nous avons pu utiliser cette information pour reconstruire de façon plus fiable le nombre d’infections dans les différents pays, même ceux pour lesquels aucune enquête de séroprévalence n’était disponible. L’analyse a été publiée dans la revue Nature.
Monitorer la proportion d’infectés par âge et par région en France
Plus récemment, nous avons développé une nouvelle méthode pour estimer la proportion d’infectés par âge et par région en analysant conjointement les données françaises d’hospitalisation et de séroprévalence. L’idée est très simple. Pour chaque groupe d’âge, nous comparons le nombre d’hospitalisations qu’il y a eu durant la première vague avec le nombre d’infections estimées par la grande enquête de séroprévalence SAPRIS durant cette vague. Nous en déduisons une estimation des probabilités d’être hospitalisé lorsqu’on est infecté, pour chaque groupe d’âge. Connaissant les nombres de personnes hospitalisées chaque jour par groupes d’âge, nous pouvons ensuite utiliser les probabilités d’hospitalisation pour estimer le nombre d’infections survenues dans chaque groupe au cours du temps. Cette étude, réalisée en collaboration avec l’INSERM et Santé publique France, a été publiée dans la revue Lancet Public Health. Nos dernières estimations de la proportion de personnes infectées par SARS-CoV-2 sont présentées ci-dessous au niveau national, par région et par groupe d’âge.
Il faut bien faire attention à l’interprétation de ces estimations. Si l’infection confère sans doute une immunité sur le court terme, il est possible que cette dernière s’estompe avec le temps. La proportion d’infectés que nous estimons doit donc être interprétée comme une borne supérieure pour la proportion de la population étant immunisée suite à une infection. Par ailleurs, il faut bien garder en tête les limites de ces estimations qui reposent sur des hypothèses assez fortes. Par exemple, nous faisons l’hypothèse que la probabilité d’être hospitalisé lorsqu’on est infecté est restée constante dans chaque groupe d’âge. Il est néanmoins possible que ces probabilités aient varié au cours de la pandémie ou d’une région à l’autre.
- Nathanaël Hozé, Juliette Paireau, Nathanaël Lapidus, Cécile Tran Kiem, Henrik Salje, Gianluca Severi, Mathilde Touvier, Prof Marie Zins, Prof Xavier de Lamballerie, Daniel Lévy-Bruhl, Fabrice Carrat, Simon Cauchemez Monitoring the proportion of the population infected by SARS-CoV-2 using age-stratified hospitalisation and serological data: a modelling study, Lancet Public Health (2021) https://doi.org/10.1016/S2468-2667(21)00064-5
- Nathanael Lapidus, Juliette Paireau, Daniel Levy-Bruhl, Xavier de Lamballerie, Gianluca Severi, Mathilde Touvier, Marie Zins, Simon Cauchemez, Fabrice Carrat Do not neglect SARS-CoV-2 hospitalization and fatality risks in the middle-aged adult population, Infectious Diseases Now (2021) https://doi.org/10.1016/j.idnow.2020.12.007
- Henrik Salje, Cécile Tran Kiem, Noémie Lefrancq, Noémie Courtejoie, Paolo Bosetti, Juliette Paireau, Alessio Andronico, Nathanaël Hozé, Jehanne Richet, Claire-Lise Dubost, Yann Le Strat, Justin Lessler, Daniel Levy-Bruhl, Arnaud Fontanet, Lulla Opatowski, Pierre-Yves Boelle, Simon Cauchemez Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France, Science (10 Jul 2020) https://doi.org/10.1126/science.abc3517
- O’Driscoll, M., Ribeiro Dos Santos, G., Wang, L. et al. Age-specific mortality and immunity patterns of SARS-CoV-2., Nature (2021) https://doi.org/10.1038/s41586-020-2918-0
- Fabrice Carrat, Xavier de Lamballerie, Delphine Rahib, Helene Blanche, Nathanael Lapidus, Fanny Artaud, Sofiane Kab, Adeline Renuy, Fabien Szabo de Edelenyi, Laurence Meyer, Nathalie Lydie, Marie-Aline Charles, Pierre-Yves Ancel, Florence Jusot, Alexandra Rouquette, Stephane Priet, Paola M Saba Villaroel, Toscane Fourie, Clovis Lusivika-Nzinga, Jerome Nicol, Stephane Legot, Nathalie Druesne-Pecollo, Younes Essedik, Cindy Lai, Jean-Marie Gagliolo, Jean-Francois Deleuze, Nathalie Bajos, Gianluca Severi, Mathilde Touvier, Marie Zins Seroprevalence of SARS-CoV-2 among adults in three regions of France following the lockdown and associated risk factors: a multicohort study., medRxiv (2020) https://doi.org/10.1101/2020.09.16.20195693
Nos estimations
France métropolitaine
Cette figure représente nos estimations les plus récentes de la proportion de la population adulte (au dessus de 20 ans) ayant été infectée par SARS-CoV-2 dans les différentes régions de France métropolitaine.
Par région
Les figures ci-dessous représentent nos estimations les plus récentes de la proportion de la population adulte infectée dans la région sélectionnée.
Dans le panneau du haut, nous représentons la proportion de la population ayant été infectée, par groupe d’âge.
Le panneau du bas montre la proportion cumulée de la population infectée du 1er Mars 2020 à aujourd’hui.
Dernière mise à jour le 19 avril 2021